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Les tribulations d'un normand en Namibie
19 février 2011

A la chasse avec les San et autres histoires

Bonjour à tous,

On m’a fait part du fait que j’avais eu les honneurs de la Newsletter DCC. Alors, si par hasard de nouveaux lecteurs ont fait leur apparition sur ce blog : Welcome to Waldfrieden…

Je souhaitais, aujourd’hui, vous faire part de mon émerveillement pour la culture namibienne la plus ancienne. Celle du peuple San, dont les membres sont plus communément appelés Bushmen. Le héros du film les dieux sont tombés sur la tête, qui se passait en Namibie et au Botswana, dans le désert du Kalahari faisait d’ailleurs parti de cette tribu. Ce peuple est le premier à avoir peuplé la Namibie et les nombreuses gravures et peintures, dans les massifs montagneux de Namibie, sont leurs œuvres les plus magistrales. Vous pouvez d’ailleurs avoir un aperçu de leur art dans des billets précédents (Vacances avec Gaël et Epako Game Lodge). Ainsi, ce peuple arrive à un résultat surprenant avec bien peu de chose, condition sine qua non pour survivre dans un environnement aussi inhospitalier que les grandes étendues semi-désertiques du Kalahari.

Prenons par exemple la chasse. Ce peuple excelle dans cet art, puisqu’ils sont dit chasseurs-cueilleurs. Etudions plus en détail leurs outils :

-Un arc, guère plus grand que 70 cm. La corde est faite en tendon d’animal, à la fois souple et solide. Un tendeur rudimentaire, mais néanmoins très efficace, permet à la corde d’avoir suffisamment de pression pour lancer la flèche avec précision. Ce tendeur est réalisé avec un bout de bois tenu par des herbes sèches.

DSCN8330Arc et carquois

DSCN8331L’attirail du chasseur San

DSCN8340_tendeur_de_la_cordeL’accroche de la corde de l’arc et le tendeur

-Des flèches de 38 cm, faites à partir d’un chaume d’herbe. Elément léger et abondant. Cette paille creuse et raccordée à une petite brindille grâce à de l’herbe sèche (qui fait office de ficelle) dans laquelle est sertie la pointe métallique, seul élément du chasseur difficile à trouver dans l’environnement et qui requiert un savoir-faire particulier. De l’autre côté du chaume est sertie une autre petite brindille sur laquelle est réalisée l’encoche, pour la corde de l’arc.

DSCN8336Le chaume

DSCN8333Les pointes des flèches avec la brindille et l’extrémité du chaume

Cependant, comme cette flèche est fragile, il faut être en mesure de pouvoir la réparer à n’importe quel moment. Il suffit d’avoir sous la main de l’herbe sèche, un chaume d’herbe, une pointe de flèche et de la colle. Cette colle est transportée par les bushmen sur une brindille et est surement réalisée à partir d’une résine végétale.

DSCN8334La colle végétale, sur une brindille

Tout cet attirail du chasseur est transporté dans un carquois, réalisé dans l’arbre à carquois… Cet arbre a le tronc et les branches creux, ce qui permet d’en faire aisément un transport de flèche et autre matériel utile. Il faut juste boucher les extrémités avec une sorte de membrane animale et y ajouter une lanière de cuir pour le transporter.

DSCN8338Carquois

IMG_0291_Arbres___carquois__Naukluft_National_ParkArbres à carquois, Namib-Naukluft National Park

Mais vous pouvez aisément vous rendre compte qu’avec des flèches aussi rudimentaires et petites, il paraît totalement impossible de tuer des animaux aussi gros que les antilopes africaines. C’est là que la subtilité du peuple San entre en action, en effet, il connait parfaitement son environnement et est passé maître dans la fabrication de poisons extrêmement efficaces dont il enduit la pointe de ses flèches. Ces poisons sont réalisés avec des mélanges d’extraits animaux (tels que certains scarabées réduits en bouillie) avec des extraits végétaux. Je vous rassure, je ne connais pas ces mélanges…

Maintenant, vous êtes prêts à aller à la chasse, il faut juste pouvoir s’approcher suffisamment des animaux et ne pas trembler en lançant la flèche !

Mais très important, une fois que la chasse est fructueuse, il faut pouvoir faire cuire l’animal. Et ceci requiert du feu. Ce qui n’est pas un problème car notre bushman transporte aussi les bâtons de feu : deux brindilles, l’une arrondie et l’autre creusée, dont la friction par rotation provoque l’échauffement et donc le feu. Bon appétit !

DSCN8332_brindilles_pour_le_feuAllumettes bushman

DSCN8332Zoom sur la zone de friction

Dans un tout autre registre, les pluies sont abondantes cette année et on a eu, rien que pour le mois de janvier, 220 mm. Ce qui est très bien, l’herbe est verte, le bétail reprend des formes et les points d’eau se remplissent. Des rivières éphémères se mettent à couler. Et à certains endroits, les pierres brulantes font office de panneau solaire car l’eau s’y fait naturellement chauffer pour finir dans une sorte de petite piscine avec une eau à 40°C Mais il est formellement déconseillé de se baigner dans les eaux stagnantes pour cause de bilharziose. On se contentera donc de tremper les mains… Et le Pan, le plus grand point d’eau naturel de la ferme, est impressionnant avec tant d’eau. Sa superficie doit dépasser largement un hectare. Mais, malheureusement, le mur de terre n’est plus étanche et l’eau s’écoule à travers sous forme d’une petite rivière. L’eau ne restera donc pas aussi longtemps qu’elle aurait dû… Par contre, il devient très difficile de se promener en voiture sur la ferme, car des mouillères se forment et il en est extrêmement difficile d’en sortir la voiture… Surtout avec les conditions de la ferme… Car il y a deux semaines, la voiture a eu les deux roues arrières dans un marécage. Comme ce n’est pas un 4x4, impossible de ressortir malgré tous les efforts. Le tracteur ayant un pneu crevé, et l’autre pick-up étant en ville, il faut rentrer à pied. Heureusement, il restait un peu d’eau… Puis, le lendemain, nous filons avec l’autre bakkie pour essayer de sortir de l’ornière. Impossible, et la zone étant tellement humide, l’autre véhicule a manqué de s’embourber. La roue du tracteur ayant été réparée en ville (les roues arrières sont trop grandes pour pouvoir être réparée sur la ferme), nous partons avec tous les ouvriers, le tracteur et le bakkie (pour ceux qui ne le savent pas, on appelle bakkie en Namibie les pick-up). Heureusement, car le tracteur a une crevaison avant même d’atteindre la voiture. Nous réessayons donc en la tractant avec le bakkie. Après de nombreux efforts, nous finissons par la dégager, et comme nous avons presque dégonflé un pneu pour augmenter la surface de contact, nous mettons la roue de secours, qui est crevée… Mais, heureusement, la crevaison est assez lente et nous pouvons regagner la ferme. Seulement le lendemain, après avoir ramené le tracteur, tout est rentré dans l’ordre. Bilan, trois jours de perdu et beaucoup d’énervements. Cette semaine, c’était sur un chemin aux confins de la ferme, je conduisais la voiture quand elle est littéralement tombée dans un trou d’eau. De la boue jusqu’au dessus du pneu. Impossible de pouvoir tenter quelque chose. Heureusement, le tracteur est disponible. Mais la zone est encore une fois tellement humide que le tracteur risque de s’enliser. Et comme la voiture est posée sur la clôture, il faut couper la clôture et retirer un poteau pour pouvoir, après quelques heures d’acharnement, remettre la voiture sur le chemin sec. Résultat, une journée de perdue. Heureusement, la vue d’un troupeau de zèbre et le ramassage de champignons ont fait passé la pilule un peu moins amèrement. On a donc tendance à aller sur la ferme le moins possible, et le risque de braconnage est amplifié. D’ailleurs, on m’a prévenu de la présence de personnes avec des chiens sur la ferme il y a quelques jours, mais lorsque nous avons patrouillé, nous n’avons rien trouvé. De plus, de nombreux petits points d’eau répartis sur toute la ferme rendent impossible le fait de pouvoir vérifier que le bétail n’a pas de problème ou qu’il ne manque pas d’animaux.

DSCN8271_Waldfrieden_PanLe Pan rempli d’eau

DSCN8282_Waldfrieden_PanVéronique posant devant l’étendue du Pan

DSCN8279_Zone_de_chauffage_de_l_eauLe panneau solaire

CIMG2706L’eau est chaude

DSCN8277_V_ronique_devant_la_piscine_chauff_eVéronique devant la piscine

DSCN8234DSCN8274_animaux_aquatiques__KashikundeAnimaux aquatiques, si quelqu’un sait ce que c’est, ça m’intéresse !

CIMG2715Point d’eau sur la ferme

Ainsi, lorsque cette semaine on m’a fait part d’une découverte de bétail volé dans une ferme de type Communal land, je me suis dit que peut-être certaines bêtes de Waldfrieden pourraient en faire parti. Cette ferme est dans une région extrêmement reculée, le Spitzkoppe, qui est un tout petit massif montagneux réputé pour ses œuvres San. L’endroit est magnifique mais très difficile d’accès. Nous (le vacher de Waldfrieden et moi-même) auront d’ailleurs perdu plus de deux heures en restant ensablés dans une rivière (oui un 4x4 aurait été très utile !) et en devant faire un grand détour pour éviter cette rivière infranchissable. Le paysage est magnifique, les policiers présents nous expliquent que, depuis deux ans, plus de 500 bovins ont été volés et transportés là. Lorsqu’ils ont fait le coup de filet, il y avait 75 bovins et plus de 300 moutons et chèvres. Un endroit aussi reculé est le rêve pour des receleurs d’animaux, mais le transport peut y être difficile. En effet, ils se sont faits attrapés car leur camion a été surpris par la police, transportant 30 têtes de bétail appartenant à la même ferme, sans les autorisations nécessaires. Trente bovins, cela représente une perte de près de N$150 000.

Mais il n’y avait pas de bétail provenant de Waldfrieden. Heureusement d’ailleurs, car pour rapatrier les bêtes d’en endroit aussi reculé, cela aurait été très compliqué et surtout très onéreux.

DSCN8318_SpitzkoppeDSCN8328_SpitzkoppeSpitzkoppe

Concernant les enfants de l’école, je suis impressionné par leur manque de connaissance au sujet de ce qui les entoure. Et dès qu’ils ne connaissent pas, ils ont peur et quand ils ont peur, ils tuent. Depuis quelques temps, je ne rate pas une occasion, lorsqu’ils me montrent un animal, de leur expliquer son mode de vie, son régime alimentaire et son intérêt. L’exemple le plus frappant est encore une fois le caméléon. J’ai beau le prendre dans les mains, le laisser se promener sur mes vêtements et monter à la vigie de ma personne (sur mon chapeau), ils en ont encore peur et continuent à les tuer. D’ailleurs, pour leur montrer que c’est inoffensif, j’ai même mis un doigt dans sa gueule, et Dieu que ça mord fort… Mais les petites dents ne sont pas capables de faire saigner, c’est comme si on se fait pincer dans un casse-noisette. Alors maintenant, dès qu’ils en voient un, ils m’appellent et je m’amuse à jouer avec. Les garçons veulent montrer leur courage en le touchant d’une main tremblante. Les plus téméraires allant même à le prendre dans leur main, mais ne résistent pas longtemps lorsqu’il siffle en ouvrant la gueule… Les filles se contentent majoritairement de s’enfuir en hurlant. Même les adultes en ont peur, dont certains professeurs, peur qu’on m’a expliqué exister depuis des temps immémoriaux. Car cet animal, inoffensif et très utile, est considéré comme un animal diabolique. En effet, lorsqu’il est très apeuré ou très en colère, il devient presque noir, ce qui est impressionnant et très mal interprété dans la croyance populaire. Mais je remarque que mes efforts commencent à porter leur fruit, et hier, ils m’ont apporté un bébé caméléon, si petit et si mignon. Un garçon l’avait dans les mains et personne ne l’a tué.

CIMG2723Les caméléons montent presqu'à tous les coups sur le chapeau

CIMG2734Même en sachant que ce n'est pas dangereux, il est difficile de le toucher...

J’essai aussi de leur montrer la différence entre un scorpion mortel avec des petites pinces et un scorpion douloureux avec des grosses pinces. En effet, les pincent montrent la dangerosité du scorpion, puisque des pinces faibles impliquent un venin puissant comme seule arme de chasse. Je m’excuse pour la queue cassée de ce scorpion, il m’a été rapporté mort par une de mes ouvrières. Il était dans son tas de bois et a mal supporté le coup de bûche sur l’abdomen et sur la queue… Ce tas de bois semble maudit car deux semaines après, c’était un cobra de deux mètres de long qui s’y trouvait ! Quel est donc le scorpion le plus dangereux des deux ?

DSCN8098DSCN8339

En fait, beaucoup de namibiens ont peur de tout, même des chenilles et des papillons. Ils ont peur des chenilles et ne comprennent pas que je puisse le prendre dans les mains. Non, les chenilles ne mordent pas et ne se nourrissent pas de chaire humaine… D’ailleurs, le fait que la chenille soit la forme larvaire du papillon est inconnu chez la très grande majorité des enfants de l’école. Le papillon, de son côté, malgré son organe buccal uniquement capable de sucer le nectar des fleurs ou autre liquide nourricier, ils ont peur de se faire piquer… Mais il est vrai qu'il n'est pas si loin le temps des grandes peurs irrationnelles en Europe, et comme les livres sur la faune et la flore sont très chers, peu de namibiens ont les moyens de s'en procurer.

Mais bon, ils écoutent avec attention mes explications et il semble que certains s’en font même les échos. En fait, je me suis aperçu que beaucoup de namibiens séparent le monde animal en deux portions. D’un côté les animaux comestibles, qu’on tue pour manger, et de l’autre les animaux non comestibles qu’il faut tuer car ils pourraient être dangereux. C’est ainsi que certaines zones namibiennes des communal land ont été totalement vidées de tout animal sauvage (mammifères, oiseaux et surement aussi caméléon…). Mais la Namibie a déjà commencé à prendre conscience du formidable atout qu'est sa faune et sa flore extraordinaire. Il faut juste que tout le monde y trouve un intérêt à la préserver.

Voila pour les dernières nouvelles, j’espère que mon entretien avec le Vicaire Général va porter ses fruits, car je n’ai toujours pas d’argent et c’est tout juste si je peux payer les ouvriers… Je lui ai fait un rapport détaillé de toutes les mesures qui me paraissent nécessaires pour faire passer la ferme de non productive à modèle. Mais les investissements sont tellement élevés que je sais déjà que je ne pourrai réaliser qu’une toute petite partie. S’ils m’aident bien sûr, car sinon, je ne serai en mesure de ne rien pouvoir faire de concret… D’autant que les clôtures que le père a posées l’an dernier sont déjà en train de se casser la figure. Il n’a pas enfoncé les poteaux assez profondément, voulant maximiser la hauteur. Pourtant, il aurait dû savoir que les fondations sont la base de tout !

A bientôt.

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  • Ce blog a pour but de garder le contact pendant ces 2 années de coopération en Namibie. La Délégation Catholique pour la Coopération (DCC) m'envoie, pour le compte de l'archevêché de Windhoek, dans ce beau pays pour manager une ferme.
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